Le respect des femmes, ça se manifeste !… Et les proches aidantes ?

En cette journée internationale des droits de la femme, le respect dû aux proches aidantes doit se manifester. Car en plus des injustices qu’elles vivent à cause de leur genre, en ajoutant le rôle d’aidant qu’elles sont plus nombreuses à assumer, elles vivent dans l’invisibilité de leur travail et sont victimes de maltraitance sous diverses formes.

Le choix d’être proche aidante ça se respecte

Au Québec, les femmes occupent plus souvent le rôle d’aidant que les hommes. Empreinte de la logique traditionnelle historique attribuant aux femmes les tâches liées aux soins, 58% des personnes proches aidantes sont des femmes. Endosser ce rôle et toutes les responsabilités qui en incombent n’est pas toujours un choix libre et éclairé réalisé par les femmes. Pour 42.3% des proches aidantes, ce rôle a été accueilli comme une contrainte qu’elles n’ont pas choisi d’assumer et dont elles considèrent ne pas pouvoir se défaire, même lorsqu’elles voudraient réévaluer la possibilité la nature et l’ampleur de leur engagement[1]. N’ayant pas véritablement le choix compte tenu des problèmes d’accès aux services et l‘absence d’options, les femmes assument trop souvent ce rôle par défaut.

Le travail invisible des proches aidantes ça se respecte

Les proches aidantes méritent que leur travail soit reconnu. Elles sont les premières à quitter leur emploi ou à diminuer leur nombre d’heure pour s’occuper d’un proche. Elles investissent souvent plus de temps en soins et composent avec une grande diversité de tâches exigeant un engagement personnel et émotif plus intense. Plusieurs de ces tâches occupent une charge mentale quotidienne importante (par exemple, le transport, l’organisation des rendez-vous, l’entretien ménager, le soutien émotionnel ou les soins personnels). De surcroît, l’on dénombre davantage de femme proches aidantes ayant un faible revenu[2]. Dans un tel contexte, le respect du travail invisible réalisé par les proches aidantes doit se manifester par des mesures de soutien et des services adaptées. Actuellement, il existe au Québec trop peu de mesures mises en place pour soutenir les proches aidantes. Seulement 3,2% des personnes proches aidantes obtiennent le crédit d’impôt remboursable. Cette mesure, ne tenant pas compte des inégalités salariales, n’est pas réellement adaptée aux femmes.

Pourtant, sans les femmes proches aidantes, penser que le système de santé, domaine lui aussi traversé par des enjeux féministes, serait en mesure de prendre en charge la population vulnérable du Québec est utopique. Si les proches aidants, dont la majorité sont des femmes, étaient payés au salaire minimum, le budget de la santé augmenterait de 11%. Par conséquent, le respect du travail invisible qu’elles accomplissent passe par des mesures adaptées et des services qui leur sont accessibles.

Une proche aidante ça se respecte

À ces difficultés que l’on pourrait qualifier de systémique s’ajoute la maltraitance vécue majoritairement par les proches aidantes. Celle-ci se manifeste de différentes manières selon sa provenance : de la personne aidée (manque de reconnaissance, intimidation, manipulation, agressivité), de l’entourage (imposition du rôle d’aidant, désengagement des soins) et des institutions (imposer le rôle d’aidant et ne pas respecter son expertise, surcharger les PA pour pallier au manque de ressource dans le RSSS etc.). Les proches aidantes sont les plus vulnérables à subir ces différentes formes de maltraitance car elles assument plus souvent le rôle d’aidant. Si la logique d’instrumentalisation qui considère les proches aidants-es comme une main -d’œuvres gratuite se perpétue dans les institutions, les conditions des proches aidantes ne s’amélioreront pas. En les privant de services de soutien et de suivi médical, négligeant le travail qu’elles accomplissent, les institutions, qu’elles soient publiques ou privées, favorisent leur appauvrissement, leur isolement et les risques de détresse psychologique. Le respect des proches aidantes passe par un changement de paradigme dans la manière de penser le rôle d’aidant afin d’enrayer la maltraitance à leur encontre.

Parce que l’absence d’option ne leur permet pas de faire un choix libre et éclairé, parce que leur travail et leur apport à la société est invisible, parce qu’elles subissent plusieurs formes de maltraitance, nous exigeons le respect des proches aidantes.

 

[1] Regroupement des aidants naturels du Québec (RANQ), Valoriser et épauler les proches aidants, ces alliés incontournables pour un Québec équitable. Stratégie nationale de soutien aux proches aidants. Montréal, Québec, 2018.

[2] https://www.csf.gouv.qc.ca/edition-numerique/proche-aidance/?p=c